S.F.X. N°217

Une nouvelle épidémie fait rage à Hollywood, celle qui nous donne des films de plus en plus longs. On ne parle pas là de grandes fresques épiques à la Seigneur des Anneaux, Dune ou Avengers: Endgame. L’ampleur de ces histoires justifie leur durée. Non, ce qui pose problème, c’est que des films de genre qui duraient autrefois 2h00 en moyenne atteignent aujourd’hui 2h45, voire plus. On a tendance à l’oublier, mais les premiers Star Wars, les James Bond, Indiana Jones, Die Hard, Terminator, Jurassic Park, Total Recall, Predator, etc., tous ces classiques duraient rarement plus de deux heures. Un exercice de concision dont les réalisateurs d’aujourd’hui semblent avoir perdu le secret.

Que s’est-il passé pour qu’on soit passé des 95 minutes de Mad Max 2 ou de Rambo 2 aux 2h45 de Mourir peut attendre, Mission Impossible: Dead Reckoning, ou John Wick: Chapitre 4 ? Comment est-il possible qu’un simple Transformers 4 dure 20 minutes de plus qu’un Apocalypse Now ?! Même les productions jeunesse de Disney sont touchées. Le remake du Roi Lion dure une demi-heure de plus que l’original, celui de La Petite Sirène – accrochez-vous – 55 mn ! Pour raconter exactement la même histoire !

Comment expliquer un tel phénomène ? D’abord, les films sont désormais tournés en numérique, ce qui élimine le coût (important) de la pellicule. Cela a libéré les cinéastes qui peuvent accumuler les plans – et ils en profitent. Ensuite, l’apparition du streaming a tout changé. Pour attirer le spectateur dans les salles, les studios jouent à fond la carte de l’événementiel. Leur message est : “Ça, vous ne le verrez jamais sur Netflix ou Disney+”. Et ils prennent même soin de préciser sur l’affiche et dans la bande-annonce : « Seulement au cinéma ». Or, le spectateur moderne a tendance à associer la durée d’un film à son importance. Un film « événement » dure forcément plus longtemps qu’un film « ordinaire » – n’est-ce pas ? Si The Batman avait duré 90 mn, nul doute que les fans se seraient quelque part sentis un peu floués. Alors qu’avec 2 h 56…

Enfin, il y a une nette tendance à la « michael-bay-ification » des scènes d’action : toujours plus énormes, toujours plus longues. Marvel en a même fait sa marque de fabrique, avec des scènes qui s’éternisent sur 10 ou 15 mn. Souvent, les péripéties s’étirent au-delà du seuil de patience du spectateur (la poursuite dans Underground 6, la scène des chiens dans John Wick 3). Au début, on admire, puis on se lasse. N’importe quelle fusillade de John Wick 4 aurait pu être réduite de moitié sans que notre plaisir n’en soit diminué. La scène de l’ascenseur de Captain America et le Soldat de l’Hiver a rappelé qu’il suffit de deux minutes pour créer une scène d’action iconique.

Allonger la durée des films n’est pourtant pas indispensable, comme l’a prouvé Top Gun: Maverick. En 2h10, tout était dit. Et pas un seul spectateur n’est sorti du film en se disant qu’il manquait une demi-heure… 

Alain Bielik