S.F.X. N°213

Vous est-il déjà arrivé d’être plongé dans une scène d’action, puis de décrocher brutalement à cause de l’absurdité de l’action ? Le genre de scène où l’on se dit en soupirant “Ben voyons…” Deux exemples récents illustrent cette dérive : The Mandalorian, avec le combat de Boba Fett contre les Stormtroopers, et The Suicide Squad, avec l’évasion de Harley Quinn. Dans les deux cas, le héros est armé d’un simple bâton ou d’une lance, alors que ses ennemis sont équipés d’armes automatiques. Et que font ces derniers ? Comme tout bons soldats, ils restent à distance et alignent tranquillement leur cible, n’est-ce pas ? Non. Ils courent vers leur adversaire. Un par un. Pour se battre au corps à corps.

Ben voyons…

Cette incompétence aberrante des méchants, on la retrouve particulièrement dans les séries Star Wars. Dans Boba Fett, un droïde de combat est incapable de toucher une dizaine de rebelles à découvert juste devant lui… Dans Obi-Wan Kenobi, la petite Leia parvient à semer, du haut de ses dix ans, plusieurs adultes entraînés. Obi-Wan dévie les tirs de Stormtroopers, mais ceux placés dans son dos attendent leur tour.

Ben voyons…

Ces moments absurdes tuent le suspense car ils vont à l’encontre de toute logique. Mais le cinéma d’action est celui de la surenchère, et pour épater le public, le réalisme est presque toujours sacrifié. Comme lorsque le héros atterrit sans dommage sur le capot d’une voiture après un saut de plusieurs mètres (The Gray Man). Ou qu’il/elle stoppe les balles avec son bouclier sans que personne ne pense à tirer dans les jambes. Ou qu’il/elle affronte 10 adversaires à la fois (ou 88…), mais qu’ils attaquent un par un. Ou encore (un classique) qu’il saute au travers d’une fenêtre située en hauteur sans avoir la moindre idée de ce qui se trouve en contrebas (Red Notice).

Ben voyons…

Mais le pire, c’est lorsque le scénariste trahit le spectateur en changeant les règles du jeu. Dans Fast & Furious 9, l’un des héros, Roman, se retrouve encerclé par des soldats. Miracle, il réussit à tous les abattre en deux secondes sans être touché… Au lieu de nous enflammer, cette scène insulte notre intelligence, car au-delà de son impossibilité physique, elle trahit l’essence même du personnage. Roman est présenté depuis le début comme un simple voleur de voitures, et tout à coup, c’est John Wick !

Ben voyons…

Pourtant, il est possible de créer des scènes d’action à couper le souffle, mais qui restent réalistes. Comme l’hallucinante scène du bus dans Nobody. Brutale au possible, parfaitement vraisemblable, et surtout absolument enthousiasmante, grâce à une progression dramatique exemplaire. On n’assiste pas à cette bagarre, on la vit ! 

Alors, s’il vous plaît, mesdames et messieurs les scénaristes, essayez de jouer la carte de nos émotions et de notre intelligence, au lieu de celle de la crétinerie. 

Alain Bielik