S.F.X. N°199

On en a déjà parlé dans ces lignes, mais la disparition des projets originaux à Hollywood devient assez désespérante. Les studios hésitent de plus en plus à se lancer dans des films qui ne reposent pas sur un concept préétabli. Sans label connu, le projet a toutes les chances de passer à la trappe – ou d’atterrir sur Netflix. Pour s’en convaincre, il suffit d’analyser la saison cinématographique 2019. Cela semble difficile à croire, mais Hollywood ne nous offre cette année qu’un seul film à gros budget complètement original. Un seul ! Il s’agit de Gemini Man (sortie en octobre). On pourrait éventuellement y ajouter Artemis Fowl, mais le titre est déjà connu puisqu’il s’agit de l’adaptation d’une série de best-sellers. Pour toutes les autres sorties, il s’agit de films issus de franchises existantes ou de remakes. Même Pixar, jadis prêt à toutes les audaces, nous impose un Toy Story 4 que personne n’avait demandé…

Jamais dans l’histoire d’Hollywood le cinéma ne s’était autant tourné vers le passé plutôt que vers l’avenir. On a l’impression que les producteurs passent plus de temps à chercher quel jeu vidéo, quelle obscure série ou quel vieux film pourrait faire l’objet d’une adaptation, plutôt qu’à lire des scénarios originaux. Et ça ne sera pas mieux l’an prochain. Qui avait demandé une suite à Top Gun, plus de trente ans après ? On imagine très bien un producteur voir son fils en train de jouer à sa console de jeu, puis demander à son assistant, le lendemain : “Regarde s’il y a un projet de film autour du jeu X… Sinon, demande à combien sont les droits.” Résultat, ça nous donne un film Pokémon en mai et un film Sonic en octobre ! Pourquoi ces jeux-là ? Sans doute parce que c’était les plus connus dont les droits étaient disponibles… Aujourd’hui, ça suffit à faire un film. Cette quête des labels connus atteint désormais des sommets d’absurdité. On a l’impression que les studios sont prêts à financer n’importe quoi, du moment que c’est connu. Comment expliquer autrement qu’Hollywood soit en train de préparer – il faut le lire pour le croire – un film sur Minecraft et un autre sur Tetris ? Oui, on en est là…

Le fait est que, malheureusement, cette approche fonctionne – le grand public suit à fond. En 2018, seuls trois films originaux hors franchise figuraient dans le top 20 mondial : Bohemian Rhapsody, Ready Player One et En Eaux Troubles. 3 sur 20… et ce sera pire en 2019. En même temps, les œuvres originales rament au box-office. Quel studio osera désormais mettre plus de 100 millions de dollars sur un film sans « label » lorsque même le génial Alita : Battle Angel n’a pas eu les résultats escomptés en dépit de la caution prestigieuse de James Cameron ?

Le problème est que, chaque fois que le public boude une œuvre originale, il enfonce malgré lui le clou dans le cercueil de la création artistique à Hollywood. Chaque échec valide davantage la stratégie actuelle des studios. Et dans ces conditions, comment les Christopher Nolan de demain vont-ils bien pouvoir éclore ?

Alain Bielik