S.F.X. N°193

Nul ne peut nier le remarquable palmarès de Marvel sur le plan qualitatif. Pas un seul ratage en 18 films ! Qui peut en dire autant ? Bien sûr, il y a eu des déceptions, comme L’Incroyable Hulk, Iron Man 2, Thor 2 ou Avengers : l’Ère d’Ultron, mais ces films restaient tout à fait divertissants. Il n’en demeure pas moins que Marvel souffre depuis le début d’un problème chronique qui empêche beaucoup de ces films d’atteindre le statut de vrais classiques à la manière d’un Dark Knight. Ce problème, ce sont les méchants…

Il suffit de réfléchir une seconde à la filmographie Marvel pour réaliser l’étendue du problème. Qui – à part les fans purs et durs – se souvient réellement du méchant de Thor 2, des Gardiens de la Galaxie, de Ant-Man, de Iron Man 3, de Doctor Strange ? Et pourquoi Red Skull, Ultron et Hela, de formidables adversaires sur le papier, sont-ils si peu mémorables à l’écran ?

La réponse est simple : là où Christopher Nolan ou Bryan Singer ont donné autant d’importance au héros qu’au méchant, Marvel privilégie toujours le héros. Cela nous donne certes des personnages bien dessinés, mais au prix d’adversaires unidimensionnels et parfois même interchangeables. Même la présence d’acteurs aussi prestigieux que Jeff Bridges, Ben Kingsley, Hugo Weaving, Mickey Rourke ou Robert Redford n’y a rien changé.

C’est bien simple, en 18 films, Marvel n’a réussi à créer que deux méchants vraiment mémorables : Loki et Kilmonger. Ce qui fait leur différence, c’est la présence d’une véritable histoire personnelle. On comprend parfaitement leurs motivations, même si on n’est pas d’accord avec leurs méthodes. Si nous avions eu à subir ce qu’eux ont subi, ne ferions-nous pas la  même chose ?

Alfred Hitchcock l’a dit il y a plus d’un demi-siècle : “Plus le méchant est réussi, plus le film sera réussi.” Voir ainsi comment les meilleurs James Bond sont souvent ceux qui ont le meilleur méchant, à commencer par Auric Goldfinger. Pourquoi ce petit homme rondouillard est-il resté une telle référence ? Parce que les scénaristes lui ont donné une personnalité contrastée, une motivation claire et plusieurs scènes avec le héros.

Ce qui manque donc à tous ces superméchants, c’est un véritable temps de présence à l’écran et plus d’interactions avec le héros. C’est à ce prix qu’ils pourront acquérir la densité d’un Joker ou d’un Magneto. Et pourquoi ne pas les faire durer sur plusieurs films, comme Loki, au lieu de leur donner quatre ou cinq scènes avant de les faire disparaître à jamais ? Infinity War pourrait bien corriger le tir, comme nous l’ont expliqué les scénaristes (voir page 16). Thanos sera-t-il le méchant ultime que l’univers Marvel nous promet depuis dix ans ? Le personnage mérite bien ça…

Alain Bielik