S.F.X. N°176

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, celui des films dans lesquels le générique était au début, et pas à la fin. À l’époque, les longs-métrages se terminaient par la mention « Fin » avec parfois un simple rappel des interprètes. Et cela suffisait. Et puis, George Lucas est arrivé. Il a voulu remercier chaque personne qui avait contribué à la réussite technique de Star Wars. Avant cela, seuls les chefs de département étaient mentionnés : ainsi, à peine trois personnes sont citées pour les effets spéciaux de films majeurs comme Tremblement de Terre ou King Kong (1976) ! Trouvant cela injuste, Lucas a imposé la liste complète de son équipe, et Hollywood n’a plus jamais été la même. Les techniciens avaient enfin leur nom au générique. Mais bientôt, les réflexes corporatistes s’en sont mêlés et tout le monde a voulu connaître le même honneur. Ce qui nous a conduits à ces génériques interminables dans lesquels le moindre stagiaire est cité. Le problème, c’est que ces personnes en marge de la production prennent la place de techniciens qui ont vraiment contribué au film, à commencer par les équipes d’effets visuels. Pour réaliser les 3000 plans VFX de Avengers : L’Ère d’Ultron, il a fallu plusieurs centaines de spécialistes, mais seule une partie d’entre eux figure au générique, faute de place. Nous en sommes donc arrivés à la situation absurde où les vrais créateurs du film sont soit omis, soit cités en vrac dans d’énormes blocs texte illisibles. Dans le même temps, les collaborateurs annexes sont tous cités individuellement. Paradoxe que cette industrie où (authentique) le garde du corps de la star, le coach santé de l’actrice ou le responsable de la cantine prend plus de place au générique que le graphiste qui a travaillé six mois sur un plan… 

Alain Bielik