S.F.X. N°216

Woke. C’est le mot qui est partout à la bouche à Hollywood. L’idée que les films doivent refléter la diversité de nos sociétés modernes, avec plus de femmes dans des rôles d’action afin de montrer que, oui, les femmes modernes peuvent le faire aussi. Suite au mouvement #MeToo, combattre la masculinité toxique en mettant en scène des personnages féminins forts s’est imposé comme une évidence. Le problème est que cette belle idée a viré à la croisade stérile. Créer une héroïne moderne et indépendante est tout à fait honorable, mais on ne peut pas forcer un personnage d’action à devenir féminin juste pour aller dans le sens de Twitter et de Facebook. C’est le scénario qui doit guider la nature des personnages, pas la mouvance idéologique à la mode. Or, c’est exactement ce qu’Hollywood est en train de faire. 

Cela a commencé par le désastreux S.O.S. Fantômes de 2016 dont la seule raison d’être était d’avoir mis des femmes à la place des hommes. Ça ne suffit pas à faire un film ! Puis, nous avons vu se succéder des films et séries d’action où les hommes étaient relégués de façon artificielle aux seconds rôles (Terminator : Dark Fate, Star Wars, Boba Fett, The Mandalorian S3…), taxés de toxicité généralisée (Birds of Prey, Charlie’s Angels), voire réduits au statut de bouffons incompétents (S.O.S. Fantômes, Men in Black International, Thor : Love and Thunder, Wonder Woman 1984).

Le spectateur n’est pas dupe : il sait quand on lui impose un personnage féminin artificiellement dopé à la testostérone juste pour faire plaisir à une frange marginale du public. Il sait aussi quand une femme mérite son statut d’héroïne : Leia dans les Star Wars, Sarah Connor dans les Terminator, Ellen Ripley dans les Alien, Katniss Everdeen dans les Hunger Games, la mariée dans Kill Bill, Furiosa dans Fury Road… autant de personnages forts auxquels on croit sans qu’ils aient besoin d’être des porte-drapeaux pour la cause féministe. Plus encore, tous ces personnages doivent se surpasser pour survivre, là où les héroïnes modernes comme Rey Skywalker ou She-Hulk n’ont besoin de fournir aucun effort. Voir ainsi la scène surréaliste où She-Hulk ridiculise Bruce Banner alors qu’elle vient à peine d’acquérir son superpouvoir ! Seul le Wonder Woman original n’était pas tombé dans ce piège. 

Le pire est encore que ces films croient caresser le spectateur dans le sens du poil en multipliant les héroïnes « badass », mais c’est vite oublier que le public masculin n’en veut pas. Il est même exaspéré de voir ses héros se faire émasculer par des « personnages féminins forts ». Il veut voir du John Wick, pas les 355 ! Le fond a été atteint avec Thor : Love and Thunder où c’est Mighty Thor qui sauve la mise : apparemment, il suffit de tenir Mjolnir dans la main pour maîtriser, instantanément, tous les superpouvoirs de Thor ! L’exemple même d’une héroïne à la construction atrocement forcée. Même chose pour la sœur ultra geek de T’Challa qui devient du jour au lendemain une guerrière « badass » dans Black Panther : Wakanda. S’il vous plaît, messieurs les auteurs, redonnez-nous le Thor d’Infinity War, le James Bond de Casino Royale, le Luke Skywalker du Retour du Jedi… Et prenez Top Gun : Maverick pour modèle : un film d’action ultra divertissant, porté par un héros attachant, et où le personnage féminin n’a pas besoin de prouver quoi que ce soit pour être une femme moderne. 

Alain Bielik